« Aujourd’hui le bac on le donne, à mon époque il avait vraiment de la valeur », « ils ne savent plus écrire et font quinze fautes par phrase » ou encore « ils ne connaissent même pas leurs tables de multiplication ». Tout le monde a déjà entendu, et peut-être même prononcé, ce genre de formules s’inquiétant du niveau des élèves français. Quand ce ne sont pas les élèves qui sont pointés du doigt, ce sont tour à tour les écrans, les parents, les professeurs… Mais cette mauvaise réputation de nos écoliers est-elle justifiée ? Ou au contraire n’est-elle qu’une simple expression du « c’était mieux avant » qui peut, parfois à tort, occuper les esprits. Pour le savoir, plongeons-nous dans les études, classements et autres évaluations qui mesurent réellement le niveau de nos élèves.

Les élèves de Terminale, ces Mozart de l’apprentissage

Il est une espèce en voie de disparition qui ne fait pas de bruit mais qui est pourtant de plus en plus rare. Il vous arrive sans doute d’en croiser sans le savoir. De qui je veux parler ? Des élèves de Terminale n’ayant pas obtenu leur baccalauréat, bien sûr. Toutes sessions et tous baccalauréats confondus, 91,4% de ceux qui se sont présentés à l’épreuve 2024 ont été admis. C’est un peu mieux qu’en 2023 où ils étaient 90,9%. Ce chiffre stagne depuis quelques années autour des 90%, même s’il a baissé depuis le millésime 2020 (année COVID) où le total des heureux élus avait grimpé jusqu’à 95,7%. Globalement, 9 élèves sur 10 qui se présentent au baccalauréat terminent avec un diplôme entre les mains. On est loin, très loin des résultats des précédentes décennies.

Si l’on ouvre le placard à archives, en 1990, le journal Le Monde se félicitait d’un taux de réussite record au baccalauréat avec…73,1% de candidats admis (sans compter la voie professionnelle). C’était mieux que les 72,9% de 1989 et 66,7% de 1987, et encore beaucoup mieux que les années 1960 où à peine plus d’un candidat sur deux était admis. Est-ce à dire qu’au fil des décennies le baccalauréat est devenu plus facile à obtenir ? Aucune étude précise n’est venue appuyer la question. Il est donc difficile, voire impossible, de l’affirmer avec certitude et on ne pourra pas officiellement aller au-delà du stade de la suspicion.

Et dans les autres classes ?

Comme je le disais à mes parents en poussant ma mèche rebelle : « Il n’y a pas que le bac dans la vie ça va ! ». Même si ce n’était pas le sens de mon propos à l’époque, il est vrai que de la maternelle jusqu’à la classe de Seconde, l’immense majorité des élèves français ne passe pas le bac à la fin de l’année. Il n’en reste pas moins que ceux-ci sont évalués par l’Education Nationale.

Les évaluations de début de Sixième permettent de vérifier les connaissances des élèves à la sortie du primaire, de voir si certaines compétences sont acquises ou s’il reste encore du travail, mais aussi de comparer les résultats dans le temps. L’évaluation concerne deux champs disciplinaires : le français et les mathématiques. Les résultats en 2024 permettent d’affirmer plusieurs choses. D’abord, le score moyen global est en hausse constante depuis 2017 que ce soit en mathématiques ou en français. D’un point de vue général, il est donc possible d’affirmer que le niveau de compétences des élèves français à l’entrée de la Sixième augmente au fil des années depuis presque 10 ans. A noter qu’il existe une disparité entre les sexes, avec des filles qui obtiennent de meilleurs résultats en français et des garçons de meilleurs résultats en mathématiques.

Le niveau des élèves de CP est en hausse

Mais il n’y a pas que les élèves de collèges et de lycées français qui sont analysés à l’échelle nationale. Au primaire, les élèves de CP sont évalués au milieu de l’année, là aussi en français et en mathématiques, afin de « mesurer l’évolution des acquis des élèves dans certains domaines de la lecture, de l’écriture et de la numération » comme le précise l’étude de la Direction de l’Evaluation, de la prospective et de la performance (DEPP).

D’après la note d’information parue en 2024, les résultats sont en progrès par rapport à 2023, que ce soit en français ou en mathématiques. Au CP, trois-quarts des élèves sont entrés correctement dans la lecture et l’écriture. En mathématiques, la grande majorité des élèves sont capables de réaliser des additions, des soustractions et d’écrire des nombres entiers, avec là aussi une évolution positive au fil des ans depuis 2020 dans quasiment tous les domaines.

Si ces résultats globalement positifs ou en progrès au primaire, collège et lycée ne signifient pas que tout va bien partout et pour tout le monde, loin de là, cela signifie au minimum que la moyenne des élèves se maintient ou progresse selon les critères de l’Éducation Nationale sur ces évaluations-là. Un signe encourageant, qui n’empêchera probablement pas l’oncle ronchon de continuer à dire que « les jeunes sont lobotomisés à cause de leur Tik-Tok », mais qui a le mérite d’établir une photographie plutôt précise du niveau général des élèves français chaque année.

Pour autant, attendez un peu avant de demander à la fanfare de commencer à jouer. Car ces évaluations ne prennent en compte que le contexte français. Or, il existe des outils internationaux qui permettent de situer d’un point de vue global le niveau des élèves français.

On commandera des PISA

Parmi les outils d’évaluation les plus cités par la presse, le classement PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) est probablement le plus populaire. Menée tous les trois ans par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), cette étude compare les compétences des élèves de 15 ans dans environ 80 pays. L’indicateur n’est donc pas totalement exhaustif à l’échelle du globe, mais il permet de situer chaque pays de façon valable. Les élèves sont évalués en mathématiques, en sciences et en lecture, avec des notes et un classement différents pour chacun de ces domaines.

Le dernier classement publié date de 2022. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est inquiétant pour nos chers élèves français. La note de la France est en baisse en sciences, en mathématiques et en lecture, marquant une forte baisse pour ces deux dernières matières. Ces mauvais résultats suivent une courbe à la baisse constamment depuis 2012, et avec des niveaux nettement plus bas que lors de l’année 2000. Par ailleurs, dans les trois matières la note de la France se situe en dessous de la moyenne de l’OCDE. Mais il est à noter que cette chute des notes se retrouve dans la moyenne de tous les pays. Le phénomène ne touche donc pas seulement la France.

Si l’on prend le classement, la France est à la 26e position mondiale lorsque l’on cumule les trois matières. Soit un niveau comparable à celui de l’Allemagne (24e), le Portugal (27e), l’Italie (31e) et la Norvège (32e), mais loin derrière Singapour (1er), la Chine (2e) et Taïwan (3e). Le top 5 est complété par le Japon et la Corée du Sud, deux autres pays asiatiques. Le premier pays européen est l’Estonie à la 7e position.

Si les pays asiatiques dominent le classement PISA, c’est qu’ils ont su bâtir un modèle scolaire fondé sur des piliers solides : une culture de l’effort profondément enracinée, une éducation érigée en valeur quasi sacrée, et un respect marqué pour la fonction enseignante. À cela s’ajoutent des programmes rigoureux, une discipline stricte en classe et une implication forte des familles, souvent prête à investir massivement dans les cours particuliers. Ce mélange donne des résultats impressionnants en termes de performance académique. Mais ce système, aussi efficace soit-il, n’est pas sans conséquences : il fait peser sur les élèves une pression constante, soulevant des inquiétudes croissantes sur leur bien-être psychologique.

Si le classement PISA est sans doute le plus médiatisé, ce n’est pas le seul thermomètre utilisé pour prendre la température du niveau scolaire dans le monde. D’autres études internationales, comme TIMSS (qui évalue les performances en mathématiques et en sciences) ou PIRLS (centrée sur la compréhension de lecture au primaire), permettent de comparer les systèmes éducatifs. Moins connus du grand public, ces classements viennent souvent compléter ou nuancer les résultats de PISA, et offrent un éclairage plus large sur les forces et faiblesses des élèves à différents âges.

Le bonnet d’âne au placard

Alors, nos écoliers sont-ils vraiment nuls ? Les données disent que non, ou du moins pas autant qu’on le pense. En France, les évaluations nationales montrent des progrès mesurés mais réels, tandis que les comparaisons internationales pointent des insuffisances préoccupantes qui s’inscrivent dans un contexte global à la baisse. Si la critique facile a encore de beaux jours devant elle, elle mérite d’être tempérée par les faits : le niveau scolaire est une réalité complexe, mouvante, qui ne se résume ni à un classement, ni à une nostalgie mal documentée. Reste à savoir quel modèle nous voulons suivre. Et à quel prix.